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    La presse espagnole et la révolution des Œillets

    Tunisiabook : Alors que le Portugal fait sa révolution, l'Espagne observe et suit attentivement ce qui se passe car elle aspire, elle aussi, à une "contamination révolutionnaire". En analysant la revue de presse espagnole, l'auteur nous fait découvrir, entre autres, les enjeux et les tensions qui dépassent la bonne volonté des aspirants à la liberté.

    La presse espagnole et la révolution des Œillets
    Marie-Claude CHAPUT

    En 1974, la situation en Espagne était tendue, la maladie de Parkinson dont souffrait Franco s’était aggravée et cette détérioration était manifeste lors de ses rares apparitions publiques. 
    Trente-huit ans après le début de la Guerre civile, la fin de la deuxième dictature ibérique, dernier avatar des fascismes européens des années trente, semblait proche. C’est dans ce climat d’espoir et de crainte face à l’avenir que se produit au Portugal une révolution qui provoque un intérêt international qui va être encore plus grand en Espagne. La similitude de situation des deux pays donne lieu à une identification que l’on peut observer dans les médias : la presse indépendante accueille avec joie l’événement tandis que les réactions sont mitigées dans celle du régime qui tente de limiter l’information et de l’orienter. 
    Le coup d’État militaire au Chili, en septembre 1973, avait porté un coup rude à l’espoir d’union de la gauche dont celle-ci rêvait dans différents pays d’Europe. Il avait aussi montré l’impossibilité d’une révolution pacifique or le Portugal faisait resurgir le mythe. L’Espagne était désormais la dernière des dictatures mises en place dans les années trente, héritage d’un fascisme qui semblait dépassé. Toutefois la situation des deux pays était bien différente : la société espagnole s’était profondément transformée avec le développement économique dû à l’afflux de devises du tourisme et de l’émigration, et la classe moyenne, moteur de la démocratisation politique, avait connu un essor spectaculaire. 
    Au début des années 1960, l’opposition avait cru au changement ; un semblant d’ouverture politique — sans lendemain — s’était produit, il avait toutefois permis l’apparition de deux magazines qui allaient réussir à déjouer la censure et à proposer un véritable débat d’idées : Cuadernos para el diálogo et Triunfo 2. Le premier se situait dans une mouvance catholique éclairée et le second dans une mouvance marxiste ; celui-ci allait compter parmi ses collaborateurs des communistes comme Manuel Vázquez Montalbán et allait vite devenir la revue emblématique de l’opposition. En avril 1974, la plus grande partie de ses journalistes se rendent à Lisbonne pour vivre en direct ce qu’ils considéraient comme une anticipation de leur prochain retour à la liberté. Son ancien directeur, José Ángel Ezcurra, a souligné le rôle métaphorique ou métonymique joué par le discours sur l’histoire ou sur l’actualité de pays étrangers comme le Chili et le Portugal afin de déjouer la censure 3. 
    Si la censure préalable avait été supprimée en 1966 par la loi de Fraga Iribarne, les risques de saisie faisaient peser une menace sur la survie même des quotidiens et revues ; la prudence explique certaines tournures lexicales qui peuvent paraître aujourd’hui étrangement compliquées. Cependant, l’intérêt suscité a été général. Les quotidiens conservateurs, d’abord dans l’expectative, se sont vite inquiétés face à la radicalisation en cours dans le pays voisin et ils ont tenté d’instrumentaliser les événements pour justifier le maintien du statu quo en Espagne en brandissant la menace d’un nouvel affrontement. Si les deux dictatures avaient des points communs, leur origine était différente, pacifique dans le cas du Portugal, illégitime en Espagne, issue d’un coup d’État militaire qui avait dégénéré en une guerre civile sanglante suivie d’une répression constante que le régime, jusqu’au bout, a tenté de faire oublier. Les informations sur le Portugal envahissent toutes les rubriques des quotidiens car parler du Portugal c’est avant tout parler de l’Espagne. Je me baserai pour cette étude sur Triunfo pour la presse indépendante, et pour la presse du régime, sur le quotidien monarchiste conservateur ABC, sur El Alcázar, porte-parole de l’armée la plus traditionaliste dont le nom même fait référence à la Guerre civile et à sa mythification par les franquistes, ainsi que sur Arriba, organe du Mouvement — la Phalange —, les deux représentants des secteurs ultras. 

    L’armée espagnole a des habitudes putschistes depuis le début du XIXe siècle, mais si les pronunciamientos avaient pu être alors le fait de militaires progressistes qui avaient contribué à l’implantation du libéralisme, depuis le Sexenio révolutionnaire en Espagne (1868-1874) et la Commune en France (1871), ils ont été impulsés surtout pour défendre l’ordre établi. Cependant, en 1974, une nouvelle génération d’officiers issus de la classe moyenne aspire au changement comme les capitaines de la révolution portugaise et ils vont s’organiser sur leur modèle. Je m’intéresserai ici au début de la révolution, plus particulièrement à la première étape que Josep Sánchez Cervelló qualifie de « positive » qui va du 25 avril 1974 au 30 septembre suivant, en faisant également référence à celle qu’il qualifie de « négative » qui va du 30 septembre 1974 à la fin de 1975 lorsque la gauche l’emporte avec une prédominance des communistes qui réveille les craintes en Espagne 4. Des articles ultérieurs servent à éclairer cette période. Poids du passé et actualité sous-tendent le discours de la presse espagnole que je présenterai en trois axes : les enjeux nationaux et internationaux, le Portugal comme modèle ou repoussoir pour l’Espagne et l’instrumentalisation de l’histoire.

    Les enjeux nationaux et internationaux
    Franco vieillit, sa maladie s’aggrave ; l’assassinat en plein coeur de Madrid par ETA de son plus proche collaborateur l’amiral Carrero Blanco, le 20 décembre 1973, avait révélé au grand jour son état de faiblesse qui était aussi celui du régime. L’opposition s’organise. Le 24 février 1974, l’archevêque de Bilbao, Mgr Añoveros avait été assigné à résidence, accusé d’avoir laissé prononcer et publier quatre homélies qui dénonçaient la répression contre les Basques. L’espoir d’un changement politique, ce qu’on a appelé « l’esprit du 12 février », avait accompagné l’arrivée d’Arias Navarro au gouvernement mais le régime, sous la pression des ultras, s’était durci : les tribunaux militaires avaient prononcé deux exécutions au garrot contre deux présumés auteurs d’assassinat de gardes civils, celle du jeune anarchiste Salvador Puig Antich, sans preuve de sa culpabilité, et celle de Heinz Ches présenté alors comme né en Pologne et délinquant de droit commun (1er mars 1974) 5. 
    La nature du régime n’avait pas changé. Dans ce contexte intérieur tendu, se produit dans le pays voisin une révolution qui suscite la joie de l’opposition et les craintes du gouvernement dont les ministres visionnent les reportages tournés au Portugal par la télévision espagnole mais interdisent leur diffusion par crainte de contagion. Le contexte politique international n’était guère plus favorable. Les articles de Eduardo Haro Tecglen, dans Triunfo, montrent que l’opposition espagnole était consciente des enjeux. À partir de mai 1974, face aux pressions de l’extrême gauche et aux menaces à droite, apparaît la crainte que le Portugal ne connaisse une évolution à la chilienne.
     Le discours de l’ensemble de la presse espagnole bascule alors de l’espoir à l’inquiétude et un article non signé d’un nouveau dossier consacré au Portugal dans Triunfo fait le rapprochement avec Allende : « Une fois de plus se répètent (avec toutes les différences que l’on voudra et elles sont nombreuses) la situation de Allende au Chili quand il était harcelé par sa gauche et par les ouvriers en grève pour qu’il améliore leurs conditions de vie et alors qu’il connaissait les menaces qui pesaient à droite. À Lisbonne aussi, la gauche craint que les événements du Chili ne puissent se répéter 6. » Les États-Unis, dont le rôle actif dans la fin de l’Unité populaire au Chili est bien connu aujourd’hui, ne pouvaient tolérer que certains militaires portugais affichent des opinions pro-communistes. 
    La péninsule ibérique occupe une position stratégique en Europe et ils n’étaient pas disposés à laisser le Portugal suivre le modèle cubain ; quant à l’Union soviétique, qui était parvenue à un partage tacite du monde avec les Américains, elle n’avait aucune intention de se lancer dans l’aventure. Cependant, la joie du retour à la liberté a occulté ce que Eduardo Haro Tecglen a défini plus tard comme « une révolution sous haute surveillance ». L’analyse qu’il propose en 1976 montre que cette révolution, que l’on avait pu croire spontanée deux ans plus tôt, était en réalité sous contrôle intérieur et extérieur. La vieille dictature était devenue un obstacle au développement capitaliste 7.
    Cependant, dans un premier temps, l’intérêt est tel que le Portugal envahit toutes les rubriques avec des dossiers et de longs reportages qui permettent aux lecteurs de (re)découvrir ce pays si proche et ignoré jusque-là. Nous pouvons observer comment, après le Chili, le Portugal permet d’informer et de réfléchir sur la situation de l’Espagne, ce rôle joué par l’actualité — comme je l’ai signalé — a été souligné par son directeur, José Ángel Ezcurra : « Dans Triunfo, nous avons recherché la complicité du lecteur au moyen d’un métalangage qui se servait d’analogies implicites dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire l’histoire et la politique internationales, comme instruments métaphoriques pour analyser la vie réelle de notre pays depuis la perspective de ce que l’on a appelé ensuite la gauche intellectuelle 8. »
    Pendant la première étape, de mars à fin septembre 1974, pour les journalistes espagnols la révolution portugaise sert, selon l’expression de Josep Sánchez Cervelló, de « laboratoire » qui expérimente par pays interposé les possibilités de changement. La presse conservatrice ne se montre pas hostile au départ, les événements lui paraissent la conséquence d’un régime qui n’a pas su évoluer à temps. Elle a confiance dans les généraux du pays voisin ; il lui faudra du temps pour comprendre qu’ils ont perdu toute autorité sur des capitaines qui ont affronté, dans une grande solitude sur le terrain, les guerres coloniales d’Afrique (« Portrait d’un capitaine », Manuel Leguineche, Triunfo, 11 mai 1974).
    En outre, en 1974, l’économie portugaise et les réactions des masses lui semblent renvoyer aux années trente en Espagne, il ne peut donc y avoir de comparaison au niveau économique et social entre les deux pays. Elle considère que Marcello Caetano qui a remplacé Oliveira Salazar en 1968 n’a pas su poursuivre son oeuvre et adapter le régime aux temps nouveaux. Il remet le pouvoir au général Spinola, un militaire attaché à la discipline, dont le passé inspire confiance aux conservateurs (« un grand patriote et un grand militaire », ABC, 27 avril 1974). Cependant, cette presse passera plus tard aux mises en garde face à un avenir incertain et dénoncera le prosélytisme des capitaines en France et en Italie 9. Le contexte explique les phénomènes d’identification mais aussi l’insistance sur les différences entre les deux pays.

    Portugal : modèle possible pour l’Espagne ou repoussoir ?


    Une identification se produit immédiatement dans Triunfo 10 dont les collaborateurs vont aller vivre sur place leur future libération et partager l’émotion de leurs voisins comme le montrent ces titres : « L’heure du Portugal » (Manuel Leguineche, 30 mars 1974) ; « Portugal : le futur a commencé » (Haro Tecglen, 4 mai 1974) ; « Liberté au Portugal. Premier mai à Lisbonne » (César Alonso de los Ríos). Ils espèrent que, très vite, ils pourront, à leur tour, pousser les cris de liberté entendus dans les rues de Lisbonne : « Vive la démocratie ! Vive la liberté ! Vive le socialisme ! » Le retour à la liberté marque la fin de la censure à laquelle à laquelle ils aspirent. Comme pour mieux affirmer que cette liberté est aussi la sienne, Luis Carandell se définit comme ibérique lorsqu’il décrit la joie des habitants de Lisbonne que les lecteurs peuvent également « partager » grâce aux nombreuses photographies qui montrent notamment une foule en liesse et des banderoles qui proclament la liberté retrouvée : « J’assiste actuellement à la fête la plus émouvante, la plus grandiose, la plus joyeuse et pleine de vie […] je me demande s’il ne s’agit pas d’un mirage, si ça n’est pas ma perspective ibérique qui me joue un mauvais tour. Tout ce que je vois est-il bien vrai ? 11 » Il n’élude pas les craintes face à l’avenir et aux incertitudes qui renvoient à celles de l’après franquisme proche : « Personne ne peut savoir ce que sera l’avenir mais en attendant, partagés entre la crainte et l’espoir, nous assistons avec joie à cette grande fête qu’est aujourd’hui Lisbonne (Ibid.). »
     Manuel Vázquez Montalbán, dans sa chronique « La Capilla Sixtina » qu’il signe Sixto Cámara du nom d’un socialiste utopique du XIXe siècle, explique pourquoi malgré la longueur du voyage, de nombreux Espagnols se rendent dans le pays voisin — jusque-là plutôt ignoré — en passant par l’Estrémadure si proche du Portugal où survivent encore les vieux caciques du temps de la Restauration : « À Badajoz, il y a des gens qui traversent la frontière pour exercer leur droit de voir les films qui leur passent par la tête, acheter le livre ajourné et, surtout, contempler l’émouvant spectacle d’un peuple qui expérimente l’exercice de la liberté […]. Pendant mon court séjour à Badajoz, je me suis interrogé à diverses reprises sur l’ignorance qu’avait l’Espagne du Portugal et sur celle qu’elle a d’elle-même 12. » 
    Le retour des exilés, du socialiste Mário Soares, le 29 avril, et celui du communiste Álvaro Cunhal, le 30, fait l’objet de nombreux commentaires. La presse d’ouverture insiste sur la maturité politique des Portugais en réponse aux partisans des dictateurs qui continuaient d’affirmer que leurs pays n’étaient pas prêts pour la démocratie. Le regard porté est très différent dans ABC, son correspondant à Lisbonne, José Salas y Guirior, s’élève contre l’image usurpée de martyrs de certains d’entre eux, comme Mário Soares dont le retour triomphal n’était guère du goût des conservateurs. Cependant, journalistes et hommes politiques espagnols ne manquent pas de souligner que la situation économique et sociale des deux pays n’est pas comparable. L’Espagne, pays à prédominance agricole dans les années trente s’est transformée rapidement dans les années soixante et la nouvelle classe moyenne aspire au changement. La classe ouvrière, alors révolutionnaire, a choisi d’autres voies impossibles à l’époque, elle s’est organisée dans des syndicats clandestins comme Comisiones obreras et espère une amélioration de son niveau de vie.
    Au Portugal, Caetano n’a pas su ou pas voulu sortir le pays de la dictature ; en 1976, Eduardo Haro Tecglen le compare à Arias Navarro, deux hommes qui n’ont pas su trouver d’appui ni dans l’opposition ni à droite, deux tentatives de correction des régimes qui ont échoué 13. Haro exprime ses craintes face aux difficultés économiques à résoudre. Le Portugal, enlisé dans des guerres coloniales en Afrique, s’est appauvri et la révolution des capitaines s’est affirmée comme la seule solution pour en finir avec la pauvreté et l’injustice qui poussent de nombreux Portugais à émigrer. Paris est alors la deuxième ville portugaise après Lisbonne, mais le discours des ultras défendra longtemps l’image d’un Portugal en plein essor et aux colonies pacifiées…
    Un éditorial de Triunfo signale qu’à Lisbonne on parle de « la politique des trois D : décolonisation, démocratisation, développement 14 », or l’Espagne n’est concernée que par la démocratisation. Au cours de ce colloque, il a été souligné que la droite portugaise avait été incapable de se moderniser, d’évoluer, alors que la transition en Espagne a été faite par les élites franquistes, mais il ne faut pas oublier que cela répond à la nouvelle donne économique et, qu’en 1936, l’oligarchie espagnole a préféré une guerre plutôt que de perdre une parcelle de son pouvoir. Le développement économique a permis une transition relativement pacifique, mais il y a eu plus de morts pendant celle-ci que pendant la révolution au Portugal. L’extrême droite fera tout pour empêcher la démocratisation et tentera en janvier 1977 de renouer avec la violence, lors de la semaine sanglante et l’assassinat dans leur cabinet de la rue Atocha à Madrid d’avocats appartenant aux Commissions ouvrières communistes. 
    L’attitude responsable du PCE et de Santiago Carrillo a permis d’éviter de sombrer dans l’engrenage de la violence. La confiance dans l’armée — celle des généraux — explique celle accordée au général Spinola par Arriba.
    Dans son éditorial du 26 avril 1974, « Fraternel Portugal », il considère le processus de changement terminé ce qui ne manque pas d’être rassurant pour l’avenir de l’Espagne dont les liens d’amitié sont reconnus « par esprit de communauté historique ». Une série de longs reportages met l’accent sur le caractère non politique du mouvement, commencé 40 jours plus tôt, avec l’échec de la marche des 200 officiers et soldats de la caserne de Caldas da Rainha que son correspondant à Lisbonne, J.-L. Gomez Tello, qualifie de pronunciamiento.
    Ce mode d’action traditionnel de l’armée en Espagne ne pouvait que tranquilliser un lectorat acquis à ce genre de méthodes : « Nous disons pronunciamiento car il n’existe pas d’autre mot capable de mieux définir la nature de cet événement. Les troupes indisciplinées— c’est ainsi qu’on les a appelées officiellement— avaient déchargé leurs armes afin de donner à leur geste tout son sens : une protestation pour des raisons professionnelles : salaires et système d’avancement des capitaines. Objectif politique ? À aucun moment un objectif politique clair et déterminé n’est apparu dans leurs manifestations. »
    Ces raisons professionnelles apparentent le coup d’État du 25 avril aux pronunciamientos du XIXe siècle et du début du XXe où le nombre excessif d’officiers et des carrières bloquées jouaient un rôle déterminant. J.-L. Gomez Tello souligne, par ailleurs, que le général Spinola a refusé de prendre la tête de ce qui semblait être un mouvement de mutinerie 15. Le discours insiste sur le fait que l’échec du salazarisme à se survivre n’a rien à voir avec le franquisme qui, lui, a prévu l’avenir : « Caetano a été renversé en raison de son échec à développer la continuité ; et les ultras du salazarisme ont été balayés après avoir obtenu une première victoire sur Caetano, une victoire non authentique. Ce sont eux qui ont rendu impossible la fidélité intelligente dont avaient besoin les principes salazaristes pour pouvoir continuer à inspirer la vie 16. » Triunfo présente de nombreuses interviews des nouvelles personnalités politiques portugaises et des commentaires lors de la publication d’ouvrages. Luis Carandell signale notamment différentes réunions comme la conférence prononcée à Barcelone par le directeur du quotidien República qui présente le livre de Mário Soares publié en France, Le Portugal bâillonné 17. Les événements du Portugal sont rapportés et analysés avec de nombreuses références à l’histoire récente de l’Espagne, République et Guerre civile.

    L’instrumentalisation de l’histoire
    Triunfo avait entrepris, dès avant la mort de Franco, une récupération de l’histoire et de la mémoire de la Seconde République pour l’opposer à l’histoire officielle qui l’avait diabolisée pendant près de quarante ans 18.
    Son collaborateur Eduardo de Guzmán, qui avait été rédacteur en chef du quotidien libertaire La Tierra, rédacteur de La Libertad et directeur de Castilla Libre dans les années trente, après les camps, la prison et une longue interdiction d’exercer son métier a joué un rôle capital dans cette lutte pour retrouver une mémoire interdite. Son article : « La Seconde République espagnole. 1931 : un jour d’avril », est publié dans un numéro qui a, en couverture, une photo du premier président de la IIe République, Niceto Alacalá Zamora, c’est le chapitre de conclusion de son livre 1930, l’histoire politique d’une année décisive 19. Il le présente « écrit avec une rigueur documentaire et en qualité de témoin direct du 14-Avril », jour de liesse de la proclamation de la IIe République auquel il consacre un autre article, un an plus tard 20. La presse ultra opposera au 14-Avril le mois de mai et mettra en garde devant l’excès de joie qu’affichent les Portugais…
    Devant cette révolution insolite qui a pris le nom des oeillets distribués aux capitaines par la foule, Luis Carandell rappelle un poème de Pablo Neruda qui avait partagé l’espoir et la défaite de la Seconde République, avant de mourir dans son pays dans un contexte aussi tragique peu après le coup d’État militaire de Pinochet : « Les fleurs ont été les armes les plus efficaces de ce coup d’État que, nous journalistes du monde entier qui nous trouvions à Lisbonne, avons appelé le “putsch de l’oeillet”. Je me rappelais ce vers de Neruda “on appelait ma maison la maison des fleurs”. Nous pourrions dire la même chose de Lisbonne 21.»

    Notons que la presse se garde d’entrer dans un débat sémantique sur le terme révolution employé pour indiquer, en 1974 comme en 1931, un changement de structure politique. À partir du 14 avril 1931, les républicains avaient employé « révolution » et « république » comme synonymes mais pour les anarchistes, les communistes, la frange radicale du Parti socialiste, la révolution restait à faire, simplement le contexte était plus favorable. Ceux qui adhéraient à cette véritable révolution sociale ne sont pas parvenus à entraîner les masses, comme le montre l’échec du mouvement de grève générale des anarchistes en janvier 1933 en Espagne et celui du projet communiste de Otelo Saraiva de Carvalho, en novembre 1974 au Portugal 22, que ABC interprète ainsi : « Il ne pouvait en être autrement, car les révolutions pacifiques et sans effusion de sang ne sont qu’un mythe manipulé par la propagande. Que celui qui en douterait se souvienne du 14-Avril et de 1931 en Espagne, également pacifiques et joyeux, mais qui a ensuite débouché sur le 18-Juillet, dont les dimensions tragiques ne sont plus qu’une ombre aux marges d’une chronique 23
    Les histoires se mêlent et se répondent avec des grilles de lecture des événements différentes, voire opposées, selon les options idéologiques. Parler de l’histoire signifie le plus souvent parler de son instrumentalisation à des fins politiques. Si les deux pays avaient en commun le triste privilège d’être les deux plus vieilles dictatures d’Europe, leurs origines ont lourdement pesé à l’heure du changement. Salazar est arrivé au pouvoir sans effusion de sang, même si la police politique, la PIDE, devenue Direction générale de la sécurité avec Caetano, a une réputation de brutalité et n’a rien à envier aux grises en Espagne, ce que le quotidien conservateur monarchiste ABC appelle « la Gestapo portugaise». Franco, lui, est arrivé au pouvoir après un soulèvement militaire, trois ans de guerre civile et l’appui de Hitler et Mussolini. La répression a été constante : exécution de Julián Grimau (1963), de Puig Antich (1974) et, un mois avant sa mort, de cinq condamnés des FRAP (Front révolutionnaire antifasciste et patriote) et de l’ETA (Euskadi ta askatasuna, Pays basque et liberté) en 1975. L’armée espagnole, qui a l’habitude des coups d’État, reste fidèle au régime mais on ne sait comment elle réagira après la mort de Franco car, elle aussi, a changé. Avec l’intégration de nouveaux officiers venus de la classe moyenne, elle a retrouvé une diversité et une tradition progressistes qui avait ses racines dans la guerre d’Indépendance, toutefois la branche la plus traditionaliste, elle, n’a pas changé.
    La volonté des officiers portugais de renverser la dictature, tenue pour responsable de guerres coloniales impossibles à gagner, est compréhensible pour la presse qui ne voit pas toujours qu’il y a un abîme entre ses acteurs, les capitaines d’Avril et des généraux beaucoup plus conservateurs qui vont tenter de prendre en main la situation. Lors de la première étape du nouveau régime, dirigée par Spinola, José Salas y Guirior, le correspondant à Lisbonne de ABC, tranquillise ses lecteurs en soulignant que la Junte de Salut national a mis aux postes-clés des militaires prestigieux dont on n’a pas à craindre qu’ils remettent le pouvoir aux masses. ABC reste discret sur le rôle de Spinola en Espagne pendant la Guerre civile : « Il allait vivre ses premières expériences de guerre comme observateur de la guerre civile espagnole. » « Spinola face à un triple défi : la pauvreté, la guerre et la liberté. Caetano a exigé que le pouvoir soit remis à Spinola pour éviter que la rue ne s’en empare 24. »
    Dans un premier temps, le général Spinola est comparé au général de Gaulle « l’homme providentiel » qui a sauvé la France par le putsch de 1958. Le correspondant de El Alcázar porte-parole de l’armée, sous le titre « Le De Gaulle portugais 25 » rappelle « qu’il lui incombe de mettre un point final aux guerres d’Afrique ». Il était parvenu à pacifier la Guinée, et comptait sur l’appui des grands groupes financiers : il faisait partie du Conseil d’administration du groupe financier Champalimaud et la CUF (Companhia união fabril) qui contrôlait l’économie de la Guinée. Il pouvait également compter sur l’appui des États-Unis qui voyaient en lui un rempart possible contre l’avancée communiste en Afrique dont les richesses pétrolières étaient très convoitées.
    Dans son livre, publié en février 1974, Portugal eo futuro, il affirmait que « la guerre d’Afrique ne pouvait être gagnée ». Si on lui attribue un rôle déterminant dans le soulèvement, cela ne saurait faire oublier qu’il a fait carrière à l’intérieur du système. La presse espagnole progressiste rappellera plus tard qu’il a combattu dans les troupes nationalistes pendant la Guerre civile, cela suffit pour comprendre la sympathie de la presse conservatrice à son égard. Dès juillet 1974, Eduardo Haro Tecglen avait mis en garde contre les séquelles laissées par une longue dictature qui a forcément marqué les hommes, même ceux qui veulent changer les choses, et il rappelait que tous ne souhaitaient pas le changement : « Il y en a d’autres, près d’eux, qui, en réalité, ne souhaitent aucunement construire une démocratie authentique, avec tous ses instruments réels de fonctionnement, mais une démocratie formelle, présentable et acceptable. Des hommes qui sont au gouvernement et à des postes élevés, qui viennent du régime précédent et qui ont aidé à le changer simplement parce qu’il était devenu inutile, eux, en réalité, craignent une explosion des libertés 26. »
    Toutefois, les prises de position des ultras ne sont pas suivies par tous les conservateurs en Espagne, elles semblent même parfois suicidaires aux secteurs réformistes. Celle exprimée, le 28 avril 1974, dans le quotidien phalangiste Arriba par José Antonio Girón, un des fondateurs des JONS (Juntas de ofensiva nacional sindicalista), longtemps ministre de Franco, défenseur des « valeurs » du soulèvement du 18-Juillet et qui représente la droite dure, opposée à toute politique d’ouverture, ne trouvera un écho favorable que chez les ultras.
    Cette « déclaration politique » — le gironazo — s’étale sur deux pages avec de gros titres : « On veut que les Espagnols perdent leur foi en Franco et leur foi dans la révolution nationale » ; « Face aux drapeaux rouges, nous proclamons le droit de brandir les drapeaux de l’espoir et des réalités que nous avons fait triompher le 18-Juillet ». Plusieurs encadrés expriment son refus de tout changement et son attachement au discours manichéen des années trente qui avait accéléré la course à la Guerre civile : « Nous voulons rendre l’homme à son authentique destin à l’intérieur du cadre harmonieux de l’Espagne et nous voulons sauver la patrie de la confusion, de la haine et des affrontements dévastateurs. Nous voulons, en outre, aller à la rencontre, là où ils nous donneront rendez-vous de ceux qui — au lieu d’adopter la courageuse position de l’adversaire prêt à se battre en terrain découvert — s’infiltrent à la faveur de la nuit et des ombres dans la structure du régime pour le saper à l’abri de la trahison. […] Et nous voulons que l’Espagne achève son processus de “vertébration” sous la tutelle des forces armées, qui ont tant donné à notre peuple et sous la sereine vigilance de Francisco Franco. »
    Arriba et El Alcázar, les deux quotidiens d’extrême droite, accordent une large place au terrorisme tout en exaltant les 35 ans de paix. El Alcázar porte-parole des secteurs de l’armée les plus traditionalistes, continue d’exalter la geste héroïque des militaires pendant la Guerre civile. Le premier publie le manifeste de Girón, le second l’appuie. Ils sont les seuls ; les plus modérés jugent ce discours, ultime tentative de manipulation du thème récurrent du complot extérieur et intérieur, anachronique.
    Le ton de ces deux quotidiens change après la démission de Spinola, le 30 septembre 1974. Elle marque le début d’une nouvelle étape et entraîne chez les dirigeants et le chef du gouvernement, Arias Navarro, la peur du modèle portugais. Pour conduire le pays vers la démocratie, certains avaient rêvé d’un Spinola espagnol, qui aurait pu être le général Díez Alegría, or celui-ci est limogé sous la pression des ultras. Le rejet viscéral du désordre et du communisme, qui a caractérisé le franquisme, réapparaît d’autant plus fort que le danger vient de l’armée. En Espagne, sa mission essentielle depuis la fin du XIXe siècle est le maintien de l’ordre et elle se trouve au Portugal, après la mise à l’écart de Spinola, à la tête de ce qui apparaît comme un mouvement révolutionnaire dont le modèle serait Cuba. En écartant le général Díez Alegría, les ultras ont voulu éviter une évolution des forces armées sur le modèle portugais, mais ils n’ont pas mesuré tout l’impact de la révolution d’Avril, en particulier sur des militaires qui n’avaient pas connu la guerre et qui aspiraient à la démocratie. Ils ne pourront empêcher la création de l’Union militaire démocratique (UMD), en août 1974, sur le modèle du Mouvement des forces armées portugaises. Les jeunes officiers espagnols, bloqués dans leur carrière par les vieux militaires qui ont fait la guerre, ont souvent été en contact avec l’extérieur et avec d’autres couches sociales : pour eux, le Portugal est un modèle, on apprendra plus tard que certains se sont rendus clandestinement à Lisbonne. Au fil du temps, la presse de droite retrouve un discours violemment anti-communiste. Pour El Alcázar, qui représente la droite dure, l’évolution des forces armées portugaises renforce sa détermination à éviter tout changement. Il invite à retrouver la mémoire de la IIe République, une mémoire diabolisée transmise par les vainqueurs, en agitant le spectre de la violence et en rappelant qu’au 14 avril 1931, jour de joie, avait succédé le Premier mai 1931 avec son lot de violence anticléricale et les incendies d’églises et de couvents. Ces incidents dramatiques ont, selon lui, conduit à la guerre : cette volonté de faire oublier le coup d’État à l’origine du régime en noircissant la République a été constant.
    Les événements du Portugal — après l’attentat contre Carrero Blanco en décembre 1973 interprété comme une conséquence de l’ouverture — ont permis aux ultras de l’emporter et la dictature va se terminer en Espagne comme elle avait commencé, dans le sang. En septembre 1975, plusieurs conseils de guerre condamnent à mort onze militants d’extrême gauche du FRAP et des membres de l’ETA. Franco refuse d’accorder sa grâce, sous-estimant sans doute le rejet international, surtout celui de l’Église et du pape. 1975 marque la fin du processus révolutionnaire au Portugal. Otelo Saraiva de Carvalho, symbole du mouvement des capitaines, associé au modèle cubain, n’est pas suivi. L’échec du mouvement de rébellion de novembre 1975 met un point final à l’expérience des militaires populistes. La révolution des OEillets, associée à la fête et à la joie, est finie ; au même moment, en Espagne, la transition commence, elle sera assurée par les élites franquistes qui ont besoin depuis longtemps de la modernisation des structures politiques 27.
    Le spectre de la guerre civile a sans doute permis que les élites franquistes puissent mener à bien la transition et liquider les structures archaïques qui étaient devenues un obstacle à leurs intérêts. Le fait que la dictature portugaise ne partage pas cette mémoire tragique peut expliquer la brève radicalisation à la cubaine dans un contexte international peu favorable à cette évolution. La presse reste un support privilégié pour découvrir un discours de type métonymique où le Portugal sert de révélateur des craintes et des espoirs de l’Espagne des années 1970.
    Au Portugal, la révolution des capitaines d’Avril a signifié une irruption brutale de la liberté, mais elle a ensuite été suivie d’un retour en arrière alors qu’en Espagne, le processus a été différent, l’évolution a été progressive mais continue. Dans les années qui ont suivi, leurs routes seront distinctes. Le 13 mai 1978, lors de la visite du roi Juan Carlos, la presse les compare : les socialistes sont au pouvoir au Portugal, ils sont dans l’opposition en Espagne ; quelques années plus tard, la situation est inversée. Les deux pays ont toutefois suivi un processus de démocratisation du système conforme aux structures de l’Occident et la sortie des dictatures a signifié à moyen terme l’intégration dans la Communauté européenne, dans une structure économique capitaliste où les révolutions et les idéologies n’ont plus guère de place mais la force du mythe reste entière, comme le montrent les commémorations  de la révolution des capitaines du 25-Avril. 

    Notes :






    1. Marie-Claude Chaput,
    « La révolution des OEillets, espoirs et inquiétudes dans la presse espagnole : Triunfo et ABC (avril 1974-décembre 1978) », in De la dictature à la démocratie : voies bériques, Anne Dulphy et Yves Léonard (dir.), Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2003, pp. 205-222 (colloque du CHEVS – Centre d’histoire de l’Europe du XXe siècle, Fondation nationale des sciences politiques, 31 janvier et 1er février 2002).
    2. Triunfo en su época, Alicia Alted y Paul Aubert (eds), Madrid, Casa de Velázquez, Pléyades, 1995. Publication des journées d’études où sont intervenus son ancien directeur José Ángel Ezcurra, son directeur adjoint Eduardo Haro Tecglen et la plupart de leurs collaborateurs.
    3. Marie-Claude Chaput, « Histoire et mémoire dans Triunfo (1975-1982) », in Histoire et Mémoire, Regards/4, Marie-Claude Chaput et Jacques Maurice (éds.), Nanterre, Université de Paris-X, Publidix, 2001, pp. 49-73.
    4. Voir Josep Sánchez Cervelló : « Las transiciones democráticas », in Portugal y España contemporáneos, Ayer, n° 37, Madrid, Marcial Pons, 2000 ; La Revolución portuguesa y su influencia en la transición española (1961-1976), Madrid, Nerea, 1995 et De la dictature à la démocratie : voies ibériques, op. cit.
    5. Un documentaire de Joan Dolç, La Muerte de nadie. El enigma Heinz Ches (2003) montre qu’en fait le tribunal militaire savait que l’accusé était un Allemand de l’Est mais il l’a présenté comme un apatride afin d’éviter des protestations de l’Allemagne ; cela permettait — une fois de plus — de faire l’amalgame entre délit politique et délit de droit commun.
    6. « Portugal : Les problèmes du premier mois / Les quatre pouvoirs et le peuple », 25 mai1974, pp. 8-9.
    7. « Les corrections du fascisme », Triunfo, 21 août 1976, pp. 13-14.
    8. Triunfo en su épocaop. cit. p. 47.
    9. « Des militaires portugais veulent propager le désordre dans l’armée italienne et l’armée française », ABC, 27 novembre 1975, p. 21.
    10. Voir Isabelle Renaudet, « Le détour par Lisbonne de l’opposition espagnole : le regard de Triunfo sur l’expérience de transition démocratique portugaise », Bulletin d’histoire contemporaine de l’Espagne, n° 13  juin 1991, pp. 64-77 et Un Parlement de papier. La presse d’opposition au franqusime durant la dernière décennie de la dictature et de la transition démocratique, Madrid, Casa de Velázquez, 2003.
    11. « Lisbonne est une fête », 4 mai 1974, p. 12.
    12. « À six kilomètres du Portugal », 1er mars 1975, p. 17.
    13. « Las correcciones del fascismo », 21 août 1976, p. 13.
    14. 27 juillet 1974, p. 14.
    15. Fuerzas armadas y poder político en el siglo XX de Portugal y EspañaHipólito de la Torre Gómez (Ed.), UNED, Centro Regional de Extremadura, Mérida, 1996.
    16. « Les événements du Portugal », ABC26 avril 1974, p. 34.
    17. 16 novembre 1974.
    18. Cf. Marie-Claude Chaput, « Relectures de la Seconde République dans Triunfo Cuadernos para el diiálogo », in Espagne : la mémoire retrouvée (1975-2002)coord. Danielle Rozenberg, Matériaux pour l’histoire de notre temps, avril-juin 2003, n° 70, pp. 20-26.
    19. 13 avril 1974.
    20. « Témoins du 14-Avril », 19 avril 1975.
    21. « Nossas armas são frores », 11 mai 1974.
    22. Cf. Pierre Naville : « Une partie majoritaire du MFA ne voyait pas d’un bon oeil une politique qui aurait pour effet, à plus ou moins long terme, de placer le Portugal sous la coupe de Moscou », Pouvoir militaire et socialisme au Portugal, Édit. Anthropos,
    Paris, 1975, p. 171.
    23. José Salas y Guirior, 27 novembre 1975, p. 20.
    24. 27 avril 1974, p. 35.
    25. 28 avril 1974.
    26. « Portugal : armée 
    et démocratie », 
    Triunfo, 20 juillet 1974.
    27. Francisco 
    Campuzano reprend 
    l’expression de Gu
    y Hermet qui parle de 
    « démocratie octroyée », 
    L’élite franquiste et la 
    sortie de la dictature, 
    Paris, L’Harmattan, 1997.



























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